USA – UE : ce n’est pas un deal, c’est une capitulation

L’Union européenne vient de céder, sans réelle résistance, à un rapport de force brutal imposé par Washington. Ce dimanche 27 juillet, la présidente de la Commission européenne a annoncé un accord commercial avec les États-Unis. Les mots sont choisis avec prudence. Mais la réalité, elle, est brutale : cet accord n’a rien d’un compromis. Il consacre une reddition.

Dès le 1er août, les exportations européennes vers les États-Unis seront soumises à de nouveaux droits de douane, allant jusqu’à 15 %, y compris sur des secteurs stratégiques comme l’automobile, l’agroalimentaire ou certaines technologies industrielles. Pendant ce temps, l’Union s’engage à ne pas riposter commercialement, et pire : elle s’aligne sur les exigences américaines en matière énergétique, avec un engagement d’achat massif de gaz naturel liquéfié américain pour 750 milliards de dollars, et 600 milliards d’investissements supplémentaires aux États-Unis.

Asymétrie totale

Ce qui était censé être une discussion d’égal à égal entre partenaires se transforme en un diktat imposé par un président américain qui traite l’Europe comme une vassale stratégique. Et la Commission s’exécute — sans vraie consultation, sans résistance, sans plan B. Mais le plus grave est peut-être ailleurs : dans l’abandon de toute stratégie de long terme.

Oui, nous sommes dans l’ornière. Oui, l’Europe est encore dépendante de ses importations d’énergie fossile. Et oui, cela implique parfois de faire des compromis tactiques. Mais la question essentielle, celle que la Commission refuse de poser, c’est comment en sortir durablement.

Pas un jour sans que l’on nous rappelle que nos dépendances mettent en danger notre souveraineté. Et pourtant, on continue de les aggraver. À force de court-termisme, on sacrifie notre souveraineté commerciale, notre ambition climatique et notre cohérence géopolitique. Le danger, ce n’est pas de faire preuve de pragmatisme. Le danger, c’est de vouloir sauver un monde dans lequel on restera perdants.

L’Europe doit choisir une autre voie. Celle qui consiste à être « maline » à court terme, mais visionnaire à long terme.Et cela commence maintenant :

  • Distinguer la réponse d’urgence de la solution de fond

Les populistes vont se réjouir de cet accord. Il leur donne l’illusion qu’ils avaient raison. Mais c’est une illusion à courte vue. Les puissances extérieures, les lobbies du gaz, les intérêts fossiles n’ont aucun intérêt à ce que l’Europe s’affranchisse. Un dealer ne propose jamais à son client de devenir autonome. À nous de choisir entre confort immédiat… et avenir maîtrisé.

  • Accélérer l’investissement vers une autonomie énergétique

Ce n’est qu’en investissant massivement — dans la production renouvelable, les réseaux intelligents, la flexibilisation, l’efficacité énergétique — que nous sortirons durablement de cette impasse. Plus encore que notre défense, c’est notre indépendance énergétique qui doit devenir la priorité absolue.

  • Anticiper le coup d’après

Demain, certains plaideront pour un recul : moins d’ambition climatique, moins d’Europe, moins de droits sociaux. Ils diront que nous n’avons pas le choix pour rester « compétitifs ». C’est faux. Et dangereux. Soit nous cédons à la loi du plus fort — et dans ce cas, le progrès s’arrête. Soit nous reprenons le contrôle, pour choisir librement notre modèle de société.

Ce qui se joue aujourd’hui, ce n’est pas un simple désaccord commercial. C’est le monde que nous voulons construire. Dans cette guerre d’influence, soit l’Europe construit son propre récit, soit elle se fait avaler par celui des autres. Il n’est pas trop tard pour dire non. Il est encore temps de relever la tête, de restaurer notre autonomie stratégique et de redonner à l’Europe une voix ferme, lucide et ambitieuse. Mais chaque jour passé à se taire rendra le réveil plus douloureux.